9 octobre 2009
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Extrait du journal de Jérémy Liron:
On avait terminé avec les médiateurs présents pour m’assister en coiffant le tableau présenté sur socle dans sa vitrine de plexiglas, la chose était complexe, la toile dressée à plus de deux mètres de haut. Il fallait monter en équilibre et à bout de bras le lourd capot, le basculer sous plafond et l’enchâsser délicatement. Les bras tétanisaient, les échelles tremblaient sous le porte-à-faux, on avait failli abandonner. On avait dû s’y prendre à plusieurs fois, la vitrine était trop lourde, on perdait l’équilibre, les escabeaux grinçaient et puis on y était, on descendait progressivement la vitre, il fallait l’ajuster au socle, emboîter les feuillures. Un côté seulement consentait à la chose, l’autre coinçait. Une surépaisseur de peinture semblait empêcher d’emboiter l’angle, j’ai dû glisser une lame de cutter pour abraser la couche excessive et, en appuyant un peu, la vitre est descendue d’un coup se loger en coinçant ma main. L’épaisseur de peau emportée sous la vitre a fendu le plexiglas sur cinq centimètres. Le sang coulait le long de ma paume. Simplement enfermer un tableau dans une vitrine, dresser une stèle, une présence proche et lointaine comme ces antiques semblent regarder depuis leur monde derrière la vitre. Et pour cela monter un socle, mettre au point un système de bras, commander une couteuse vitrine, l’acheminer et la monter. Pour quelque chose d’au final très simple, en passer par une série d’opérations complexes et pénibles que le visiteur n’imagine pas du tout. Les coulisses sont comme un iceberg, et combien de notes accumulées pour un mince livre ? Enfin, on y était arrivé. Tant pis pour les quelques poussières emportées dedans la vitre, tant pis pour la main. Dans la trousse à pharmacie, on a trouvé de l’alcool et des compresses. Il était 18h30 passé, je les ai libérés, rendez-vous le lendemain matin pour les finitions. Suis resté une heure seul dans les étages sombres à accrocher, qui se répondaient d’une salle à l’autre, des fragments de texte dans des petits cadres blancs. Et le long du couloir. L’exposition prenait forme progressivement et presque tout à fait. Du fait des circulations, des couloirs et des salles nombreuses, je ne parvenais pas à m’en faire une idée globale et cela rejoignait cette expérience pour moi fondatrice du monde qui échappe et dont on ne peut que prélever des fragments sur le parcours. J’espère que les visiteurs seront amenés à expérimenter ce dessaisissement. 250 m2 environ, sept salles ouvertes, vingt tableaux et sept petits formats sur papier, un quinzaine d’extraits de texte pour la plupart empruntés à ce récit/journal publié il y a plus d’un an maintenant chez publie.net.
On avait terminé avec les médiateurs présents pour m’assister en coiffant le tableau présenté sur socle dans sa vitrine de plexiglas, la chose était complexe, la toile dressée à plus de deux mètres de haut. Il fallait monter en équilibre et à bout de bras le lourd capot, le basculer sous plafond et l’enchâsser délicatement. Les bras tétanisaient, les échelles tremblaient sous le porte-à-faux, on avait failli abandonner. On avait dû s’y prendre à plusieurs fois, la vitrine était trop lourde, on perdait l’équilibre, les escabeaux grinçaient et puis on y était, on descendait progressivement la vitre, il fallait l’ajuster au socle, emboîter les feuillures. Un côté seulement consentait à la chose, l’autre coinçait. Une surépaisseur de peinture semblait empêcher d’emboiter l’angle, j’ai dû glisser une lame de cutter pour abraser la couche excessive et, en appuyant un peu, la vitre est descendue d’un coup se loger en coinçant ma main. L’épaisseur de peau emportée sous la vitre a fendu le plexiglas sur cinq centimètres. Le sang coulait le long de ma paume. Simplement enfermer un tableau dans une vitrine, dresser une stèle, une présence proche et lointaine comme ces antiques semblent regarder depuis leur monde derrière la vitre. Et pour cela monter un socle, mettre au point un système de bras, commander une couteuse vitrine, l’acheminer et la monter. Pour quelque chose d’au final très simple, en passer par une série d’opérations complexes et pénibles que le visiteur n’imagine pas du tout. Les coulisses sont comme un iceberg, et combien de notes accumulées pour un mince livre ? Enfin, on y était arrivé. Tant pis pour les quelques poussières emportées dedans la vitre, tant pis pour la main. Dans la trousse à pharmacie, on a trouvé de l’alcool et des compresses. Il était 18h30 passé, je les ai libérés, rendez-vous le lendemain matin pour les finitions. Suis resté une heure seul dans les étages sombres à accrocher, qui se répondaient d’une salle à l’autre, des fragments de texte dans des petits cadres blancs. Et le long du couloir. L’exposition prenait forme progressivement et presque tout à fait. Du fait des circulations, des couloirs et des salles nombreuses, je ne parvenais pas à m’en faire une idée globale et cela rejoignait cette expérience pour moi fondatrice du monde qui échappe et dont on ne peut que prélever des fragments sur le parcours. J’espère que les visiteurs seront amenés à expérimenter ce dessaisissement. 250 m2 environ, sept salles ouvertes, vingt tableaux et sept petits formats sur papier, un quinzaine d’extraits de texte pour la plupart empruntés à ce récit/journal publié il y a plus d’un an maintenant chez publie.net.